COUP DE FOUDRE EN SICILE

 La fédé française proposait dans ses voyages 2002 un séjour en Sicile. Ne connaissant pas cette région, je m’inscris. Faute de participants, le voyage fut annulé. Comme j’avais la chose en tête, je me suis décidé à le faire seul. 

Bien que la Sicile soit habituellement visitée pour ses temples et son architecture ancienne, mon itinéraire m’entraînera vers les montagnes du Nébrodi et de la Madonie, à la recherche des cols, direction Nord. 

Après le vol Bruxelles-Catane, avec escale à Milan, vélo monté et bagages arrimés, je prends le départ le 19 avril vers 14 h30. Il fait assez beau. 

Dès la sortie de Catane, ville pas très jolie, j’ai un aperçu de la Sicile, pays pauvre, dont les conceptions ne correspondent pas avec les nôtres notamment en matière de propreté et d’écologie. Un peu partout au bord des routes des dépôts d’immondices sont visibles. Les bâtiments sont vétustes et mal entretenus, les voitures vieilles et sales, et l’impression de pauvreté est partout. Pauvre cyclos, les automobilistes roulent comme des fous.

Heureusement, les orangeraies adoucissent cette impression. Elles sont partout. En ce moment, il y a encore beaucoup d’oranges mais les fleurs apparaissent déjà, et ça sent très bon. 

Ma première étape Paterno, petite ville active, dans un hôtel propre et très convenable. Les prix de l’hôtel et du restaurant sont très nettement inférieurs à ceux pratiqués en Belgique ou en France. Il faut compter environ moitié prix, ce qui sera confirmé durant tout mon séjour. 

Le temps est très beau le lendemain. Dès le départ, j’aperçois l’Etna, et sa fumée blanche, ce qui signifie aucun danger d’éruption, contrairement à la fumée noire. 

Son sommet est à 3.300 M. On peut y accéder. Pour le moment ce n’est faisable qu’à pied ou en 4x4, les installations de téléphériques ayant été détruites par de récentes éruptions.

La lave constitue une terre fertile, si bien que les pentes de l’Etna sont couvertes de toutes espèces de végétation, d’arbres, de plantes, et de vignobles.

A la recherche d’un col, j’ai l’occasion d’emprunter une jolie petite route sur les flancs de l’Etna. Il fait un temps splendide. Je pique-nique sur la terrasse d’une maison abandonnée. Je déguste deux oranges dérobées dans une orangeraie, chose qui n’est pas facile car elles sont protégées par des clôtures qui en rendent l’accès presque impossible. 

Cette deuxième étape, longue de 74 kms me conduit à Randazzo, en passant bien entendu par quelques cols. Comme la région en est truffée, je m’installe pour deux nuits dans un hôtel à nouveau très convenable. Je pourrai de cette manière faire une étape sans bagages le lendemain. Le soir c’est le grand rassemblement sur la place du village. Les gens dévalent par groupes de toutes les rues avoisinantes, et ça discute partout. L’ambiance est sympathique.

Je me lance pour une longue journée fraîche au début, puis franchement glaciale et pluvieuse par la suite. Averses violentes, orage, rien ne me sera épargné pendant 149 kms.

Dans cette région, notamment aux environs de Longi, les routes sont bordées de chapelles souvent jolies, témoins des croyances locales encore bien enracinées.

Arrivé à l’hôtel à 20h15, je tremble de froid, et me jette tout habillé sous la douche brûlante pendant 20 minutes.

C’est à la télé, pendant le petit déjeuner, que j’apprends le résultat des élections présidentielles françaises, et que «  Jospinne abandona la politica ». 

Petite étape de 53 kms seulement ce quatrième jour, mais encore l’orage, la pluie et le froid. Je m’arrête sous l’auvent d’une maison pour m’abriter des averses. Après ¼ h la porte s’ouvre et un vieux monsieur me fait entrer. Il remet des bûches sur le feu. Je me sèche et me chauffe pendant deux heures. Quel brave homme. Dommage que ma conversation soit si limitée en italien.

Il faut repartir vers Cesaro, terme de cette courte journée. Hôtel ouvert, heureusement, mais désert. La patronne m ‘accueille très gentiment. Le chauffage ne fonctionne pas. Il y a 14 ° dans la chambre. Il y a bien une douche, mais pas d’eau. Quant au souper, il se limite à des tagliatelles, un bout de fromage, et une orange. Les quelques habitués de la maison se serrent autour d’un poêle à gaz. 

Le soleil est revenu le lendemain, mais la température est des plus fraîches. Je commence par une dragonnade et franchis la Portella San Antonio, à +/- 1200 m d’altitude. A l’horizon les sommets, qui culminent à 1500 m, sont enneigés. Ensuite itinéraire fait de montagnes russes pendant 123 kms jusque Gangi, petite ville ancienne perchée sur son rocher, dans laquelle je me promène à pied dans un dédale de ruelles pittoresques.

On ne voit pratiquement que des vieillards, emmitouflés dans leurs gros pulls d’hiver et leurs manteaux. Moi je n’ai qu’un pull d’été et une veste légère. Ne suis je pas dans un pays chaud ? 

6ème jour, Gangi – Santa Catarina, en passant par la belle ville ancienne de Petralia Soprana. Découverte le soir du « Regalaele », dont j’ai traversé les vignobles aujourd’hui. Excellent vin que celui-là, et très bonne auberge aussi, avec un très bon repas. De plus, les conditions climatiques ont été honnêtes aujourd’hui. Que demander de plus ? 

La finale de l’avant dernière journée sera tout simplement apocalyptique.

Après un début plutôt ensoleillé, le franchissement de plusieurs cols et la traversée de quelques cités intéressantes, telles que Caltanissetta, et Pietraperzia, nichée sur une colline, aux pentes des ruelles impressionnantes, le temps se gâte rapidement. Vers 18 h 00, de gros nuages foncés s’accumulent et éclate un orage épouvantable. Je suis encore loin de l’étape du jour, environ 30 kms. Trop tard pour faire demi tour. La seule solution est de continuer. C’est le déluge, ça tonne, ça éclaire de partout, l’eau dévale sur la route, de telle sorte que j’ai l’impression de rouler dans un torrent. En plus, c’est dans les bois. Franchement, j’ai très peur, et me demande ce que je suis venu faire en cette galère. J’implore miséricorde pour mes péchés, et me promets d’être plus généreux pour les bonnes œuvres si j’en réchappe. Pour peu, je jurerais de ne plus jamais boire une goutte de vin. Mais là j’ai rien promis.

Les rares automobilistes que je croise me font des appels de phare pour me signaler que c’est dangereux ce que je fais. Comme si je ne le savais pas ! 

Je m’arrête à un poste de cantoniéri, petit bâtiment destiné au matériel des routes. Il est fermé, mais au moins, je m’abrite tant bien que mal des vents dominants contre une façade. Je vois au loin un autocar, et tente  de l’intercepter pour qu’il me prenne pour continuer, mais il continue sa route. 

Je commence à grelotter. L’orage diminue un peu. Je reprends la route, après une demi heure d’arrêt. Il reste une dizaine de kms avant Pergusa, où il y des hôtels. Je m’arrête au premier. Les chambres sont dans des bungalows. Miracle, il y a du chauffage. Que c’est bon. Après une demi heure de douche, friction et séchage, je peux m’installer au bar et puis passer à table bien au chaud.

L’étape du jour faisait tout de même 140 kms. 

Mais quel pays froid ! Pas de chance, puisqu’une dépression était centrée sur la Sicile pendant mon séjour. Trois semaines plus tôt, j’avais entendu parler d’orages violents en Sicile. Je pensais qu’ils seraient passés, mais me trompais lourdement. 

Dernier jour, dernière côte, puis très longue descente sans histoire vers Catane. Aujourd’hui, il ne pleut plus, à défaut de faire chaud. 

Le reste, c’est le démontage du vélo, l’attente à l’aéroport, et le retour avec nouvelle escale à Milan où j’achète quelques victuailles italiennes pour chez moi. 

Je suis content d’avoir vu la Sicile, mais de là à y retourner faire du vélo, il y a un pas que je ne franchirai sans doute plus jamais. J’y retournerais plutôt pour la visite des curiosités architecturales, en bus de préférence. Il paraît que c’est la meilleure façon d’y voyager.