EN
ROUTE ! VERS DE NOUVELLES AVENTURES…
Nina m’a demandé une petite contribution
à la revue que vous avez l’honneur et l’avantage
de tenir en vos mains. Elle a eu l’indulgence de me pardonner
le récit de Paris-Nice 2006, mieux, elle en redemande, mais
cette année, je crains de n’avoir rien d’aussi
marrant en magasin.
Voilà,
j’ai repris à zéro ou presque, après mon
accident de Paris-Nice 2006 et après plusieurs mois de galère,
j’ai vu que je pouvais plus ou moins prendre la roue de
certains sexagénaires moyennement entraînés du
club (disons plutôt : l’emprunter momentanément
et avec intérêts prochess de l’usure!).
Alors,
l’idée d’aller découvrir le cyclosport à
la française. Oui, quelques petites cyclos, pour voir et
savoir…
Pour
faire plaisir à mon coach vosgien, d’abord Les Trois
Ballons (Alsace, Servance et le Grand) en juin, puis un retour au
magique Grand Colombier (le Tour de l’Ain, arrivée au
sommet) en août, et une petite première/dernière,
dans l’Ain encore, la Forestière cyclo, en septembre,
histoire de voir.
Les
Trois Ballons :
En
réalité, je ne l’ai pas faite, mais je vais vous
la raconter quand même car finalement je l’ai bien faite,
au moins deux fois, de vraies répétitions.
Trois
fois je suis allé m’entraîner dans les Vosges au
printemps et trois fois j’ai sillonné les routes de
montagne de cette cyclo ; j’ai tout fait : le petit
Col du Ménil, le Col d’Oderen dans les deux sens, le
Bramont, splendide petit col à lacets, la Route des Américains
(très rock’n roll, sportif), le bout du Grand Ballon
après une magnifique Route des Crêtes qui dévoile
à droite les vallées vosgiennes et à gauche la
plaine d’Alsace, le méchant Hundsruck, petit mais
teigneux, où je serai avalé au sommet par deux pros
français en préparation du Giro et par un certain
Francis Mourey (s’ils m’avaient dépassé au
pied, je suis sûr que je n’aurais pas eu le courage de
poursuivre tellement leur allure était supérieure dans
ce col que je déteste), le champêtre Ballon de
Servance,
sous les ramures des arbres forestiers, et même la Planche des
Belles Filles (oui, des belles filles, sans tiret), et enfin le
Ballon d’Alsace par Serwen, ses lacs et ses rampes.
Pas un
mètre du parcours que je n’aie reconnu dans son
intégralité.
De
beaux souvenirs, ces deux vieux (enfin, des plus que moi) au sommet
du Servance qui ne savent pas pourquoi la Planche des Belles Filles
se nomme ainsi, mais me racontent la cueillette des « brimbelles »
(« myrtilles » en vosgien) et la vie
d’autrefois…
Tiens,
vous connaissez l’origine de ce nom alléchant: la
Planche des Belles Filles ?
L’histoire
vraie n’est guère plaisante. La Planche des Belles
Filles aurait été le théâtre d'un
abominable massacre au cours de la Guerre de Trente Ans. Les chefs
mercenaires qui menaient cette guerre étaient à la tête
de troupes indisciplinées et de toutes origines, qui menèrent
des actes cruels et dévastateurs. L'Alsace, les Vosges et la
Comté souffrirent des Suédois, qui étaient les
plus cruels : pillages, viols, incendies, tueries étaient
leurs actes quotidiens et favoris. En 1635, pendant l'hiver
neigeux, les Suédois aux ordres de Mansfeld, chef de guerre
brutal agissant pour Richelieu, remontent la vallée du Rahin
pour cantonner à Plancher-les-Mines (au pied de la Planche).
Les paysans des vallées du Rahin et de la Savoureuse (côté
Belfort), se sauvent dans la montagne de Saint-Antoine avec leur
pauvres biens et leur maigre bétail. Les épouses et les
filles qui avaient encore plus à craindre des Suédois,
continuent leur chemin dans la neige, jusqu'au plus haut sommet du
Ballon d'Auxelles, où elles pensaient être en sécurité.
Mais une
trahison mena les Suédois jusqu'au refuge des paysans. Le
massacre dure jusqu'à l'aube et ils sont tous tués,
seul un enfant réussit à s'échapper et court
vers les chaumes (sommet du ballon) pour alerter les femmes. Dans la
neige, ses traces sont faciles à suivre, et les soldats sont
déjà derrière lui. Les femmes comprennent le
danger et savent ce qui les attend, d'horribles tortures et la mort,
pour les éviter elles dévalent les pentes abruptes du
Ballon et se jettent dans un étang aux eaux noires. Seule
une jeune fille aurait échappé à la noyade et
aurait rapporté ce récit.
On dit que
c'est depuis ce temps, que l'étang et la planche qui le
surplombe, portent ce nom de "Belles Filles". Il y a
une version plus légendaire. Dans la vallée du
Rahin, on croyait jadis, que douze fées vivaient au sommet du
Ballon d'Auxelles. Les fées, au Moyen Âge, étaient
toujours de jolies filles, aussi on désignait le chaume sous
le nom de Planche des Belles Filles. Et une version écolo. On
désignait aussi les grands épicéas qui poussent
sur les pentes des Vosges Méridionales, sous le nom de
"Fiotte", "Fuotte", "Fue", "Fies",
"Fées", etc...Alors parce que les chaumes étaient
cernés par de grands fies ou fues, on en vint à
désigner la "Planche des Belles Fies", et de fies,
ou fées, à "Filles"... seulement quelques
glissements …
Voilà vous savez tout des
Belles Filles (qu’à Dieu ne plaise !) mais rien de
la course et vous n’en saurez rien car un ignoble virus début
juin, quelques jours seulement avant le départ, m’a
cruellement jeté au lit. Quelle frustration !!!
Le
Tour de l’Ain (15/08/2007) :
Trois
cent cinquante participants, dont le futur vainqueur (Michel Roux) à
32 kms/h de moyenne, le Grand Colombier sur la plaque (au début,
n’exagérons rien, mais en moins d’une heure quand
même), jalousé de beaucoup qui lui envient ses
possibilités d’entraînement et sa sponsorisation
qui en feraient un pro de l’amateurisme.
Un gars
de 45 ans capable de tenir la dragée haute à des jeunes
dans la pleine force de l’âge, moi, j’aurais plutôt
tendance à l’admirer, il ne peut pas faire cela sans une
très grande discipline et s’il a des moyens physiques,
comment lui en faire grief ?
Le
peloton « sportif » ne l’est pas tant que
cela, selon ce que je vois et entends, dans un groupe qui a rallié
l’arrivée depuis un hôtel de Lavours, à une
grosse dizaine de kilomètres de Belley, une belle bourgade au
bord du Rhône, où le départ sera donné, et
qui grossit au fil du parcours.
On est
loin de l’ambiance conviviale de Paris-Nice.
La
cyclo emprunte exactement le parcours de la première étape
de la course professionnelle dont le départ sera donné
quelques heures après.
L’organisateur
prévient d’ailleurs de la fermeture du Grand Colombier à
telle heure précise et met en garde contre la mise hors course
si les derniers se trouvent en passe d’être rattrapés
par la caravane des pros.
Pour
moi, il s’agit essentiellement de tourisme. J’ai à
cœur de revoir ce sommet magique du Grand colombier et je veux
découvrir le versant au départ de Culoz, qu’on
dit terrible : deux longs passages de plus de trois kilomètres
avec des pourcentages qui flirtent avec les 14%, un petit replat
entre les deux, au total environ 18 kms à 7%.
Je me
suis placé sagement en fin de peloton mais j'ai été
surpris par la brutalité du départ, même là.
Je me
suis limité dans mon effort et j'ai accroché un groupe
évidemment largué par rapport à la tête
mais qui laissait aussi derrière lui un bon paquet de gens ;
on a eu pendant environ 1/2 h une moyenne de 38, puis les gars ont
marqué sensiblement le pas et je trouvais qu'on aurait dû
et pu aller plus vite mais je suis resté bien calé dans
le groupe qui n'arrêtait pas de reprendre des gens par l'avant.
Quelques-uns sont revenus de l'arrière aussi.
Dans
les deux premières côtes tout le monde est resté
groupé ou à peu près. On devait former une sorte
de « grupetto ».
Dans la
côte de Thézillieu (presque 11 kms et un peu plus de 600
m de dénivelé) quelques-uns (6 ou 7) sont partis devant
mais isolément, chacun à son effort. Je suis resté
tranquille à FC 170 grand maxi, mais il n'y avait plus de
groupe derrière. Tout le monde éparpillé. Une
noria de points colorés dans la pente. Déjà des
cyclos à l’arrêt.
Puis,
le plateau, le col de la Lèbe, l’ivresse de la descente,
je recolle à un trio, une côte, la descente vers le
Rhône.
Peu
avant le Grand Colombier, comme le tracé passait à
proximité de l'hôtel, je fais un petit détour
pour déposer dans ma chambre mon K-way et mon deuxième
boyau de rechange, dont je n'avais plus l'utilité (pas de
crevaison jusque là, en avoir deux sur 25 kms m'aurait bien
surpris).
Lorsque
je suis revenu sur le parcours, j'ai retrouvé 2 gars du
premier groupe et j'ai commencé l'escalade avec eux. Toujours
tranquille.
FC en
général vers 167/168, 172 est le maxi que j'ai vu dans
les plus gros pourcentages et avec le vent contraire, au-dessus de
Culoz, dans les enfilade de lacets au milieu des gros blocs de
rochers ; dans les passages moins pentus, je laissais la FC
redescendre un peu pour bien assurer.
Mes
deux compagnons se sont arrêtés, apparemment épuisés,
dans la première portion de 14%.
Il faut
dire qu’il a fait chaud toute la journée et que c’est
quasi caniculaire dans la pente du Grand Colombier.
La
montée était très très sympa car il y
avait beaucoup de public venu pour les pros qui passaient après
nous (une petite Alpe d'Huez, des mobilhomes et des gens en fauteuils
de camping, partout) ; beaucoup d'encouragements et quelques brins de
mini-causette (j'ai répondu et échangé quelques
mots avec tous ceux qui m'ont parlé).
J'ai
revu dans la pente tous ceux qui étaient partis dans
Thézillieu (sauf un je crois), quelques-uns à pied,
d'autres courageusement arc-boutés sur le vélo et un
assis dans l'herbe...
Dans le
dernier kilomètre, j'ai fourni un effort pour reprendre deux
gars qui venaient d'entrer dans mon champ visuel et que j'ai repris
(le deuxième, un jeune homme, s'arrête net et met
pied-à-terre à peut-être 150 m de la ligne alors
que j'étais sur ses "talons" !!!).
Voilà,
j’y suis, la croix, le panorama inoubliable, le public qui
applaudit, l’arche d’arrivée : magique,
magique…
Le col
en 1 h 41, même pas le double du temps de Michel Roux :-)
J’avais, il est vrai, des réserves : 130 kms et
2619 mètres de dénivelé, en 6 H 12, avec mon
super vélo japonais à 5, 8 kgs, pas vraiment
l’enfer, non ?
ll ne
me reste plus qu’à redescendre pour le repas servi à
Culoz, mais par l’autre côté, vers Artemare,
encore une trentaine de kilomètres pour mériter la
tartiflette, le rosé, la tarte aux pommes, le café,
pour écouter les récits des vaniteux qui refont le
monde, et partager quelques émotions avec les purs…
La
Forestière cyclo (15/09/2007) :
C’est
la première édition de la version « route »
d’une épreuve VTT réputée, toujours dans
l’Ain, au départ d’Arbent, près d’Oyonnax.
650
participants.
Le
brouillard cotonneux et l’humidité s’invitent. On
ne voit pas à 100 mètres.
Les
gens du coin ne s’inquiètent pas : au-dessus, on
aura le soleil…
Au-dessus
de quoi, je ne le sais pas encore, je ne me suis pas très
intéressé au parcours, je sais que les difficultés
sont groupées au début et à la fin, mais qu’il
a fallu ajouter des kilomètres en dernière minute pour
cause de travaux.
Le
départ est lent, une procession, mais la côte est
longue, longue, et dure, dure. C’est la côte de Désertin,
15 kms, pour arriver au point culminant de l’épreuve
(1000 m). C’est vrai qu’il fait soleil, là-haut…
La
montée n’a pas été trop mauvaise, j’ai
bien senti que je n’avais pas pu bien m’échauffer,
mais je pense avoir grimpé dans une bonne moyenne.
C’est
dans la longue et large descente que les choses vont se gâter une
première fois : avec mon 48 de grand plateau, mes routes de
650, j’ai beau tricoter et moudre le café, je vois des
paquets de cyclos me dépasser, me dépasser, me
dépasser…
Heureusement,
cette foutue descente prend fin et il y aura encore des cols :
le Sentier, le Berthiand.
Je suis
stoppé par des incidents mécaniques mineurs, mais
j’arrive toujours à revenir sur mon groupe à la
faveur de la pente, avec des efforts quand même, mais c’est
un plaisir de s’affronter à soi-même, un aiguillon
motivant de voir diminuer l’écart et de revenir, mètre
après mètre, puis de repasser en tête du groupe
juste au sommet.
Les
paysages sont grandioses, surtout au Lac Genin et autour de Nantua.
Le
ravito de Nantua est lui aussi grandiose ; au buffet et dans
l’ambiance : un orchestre à l’accordéon
suranné, aux musiciens costumés « début
de siècle » (l’autre, le XXème), qui
nous gratifie en boucle de l’immortelle « À
Bicyclette… » d’un certain bien nommé
Montand… mais quelle sympathie, quelle convivialité.
Après
80 kms, ça commence à rigoler moins, je sens se
réveiller ma vieille douleur au genou et je dois diminuer la
cadence.
Je veux
absolument terminer ce parcours splendide, profiter de la vallée
de l’Ain même si le vent est contraire.
Je
mords sur ma chique en voyant s’éloigner mes compagnons,
et je continue à pédaler en m’épargnant,
car la douleur augmente.
La
dernière côte fera mal mais je tiendrai quand même
la roue d’un petit groupe qui m’a rattrapé, puis
c’est la descente vers Arbent et l’arrivée, avec
une belle ambiance, la remise des trophées, une animation
sympa et un repas pas trop dégueulasse...
149,12
kms et 2024 mètres de dénivelée en 5 h 54, mais
le retour à l’hôtel est douloureux, même à
allure réduite, j’ai vraiment fort mal au genou,
finalement, je me rends compte que j’ai terminé de toute
justesse et que je n’aurais pas pu accomplir encore beaucoup de
kilomètres.
°°°°°°°°°°°°°°
Voilà,
je pourrai dire que j’ai fait partie de quelques pelotons
cyclosportifs français et que j’ai terminé,
modestement mais honorablement, deux cyclos de montagne.
Finalement,
dans les profondeurs du classement, ça n’est pas très
différent de nos belges randonnées, mais je regrette un
certain esprit de compétition qui vient selon moi un peu
pourrir l’ambiance chez quelques-uns. Vive le cyclotourisme qui
me convient mieux.
Encore
un mot : en tête, cela roule quand même vraiment
vite. J’ai une pensée admirative pour ceux de notre club
qui se sont distingués dans des épreuves cyclosportives
et je leur tire, grande, ma révérence. Chapeau
messieurs…
Philippe
De Wispelaere
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